Dommages causés par une inondation rendant le bien impropre à l’habitation : quelle action en garantie pour l’acquéreur ?

 

Les dommages causés par les inondations sont, malheureusement, à nouveau d’actualité, certaines régions étant plus impactées que d’autres, et s’amplifient avec le changement climatique à en juger par la multiplication de la publication d’arrêtés constatant l’état de catastrophe naturelle.
La question qui se pose ici est celle de savoir quelle action en garantie l’acquéreur d’un immeuble à usage d’habitation, engagé par un avant-contrat, peut intenter à la suite de dommages affectant le bien, le rendant impropre à cet usage.

Dans la présente espèce, des vendeurs (promettants) ont conclu avec des époux (bénéficiaires) une promesse unilatérale de vente reçue par un notaire, portant sur une maison d’habitation, moyennant le prix de 660 000 € et paiement d’une indemnité d’immobilisation de 10 %.

Les bénéficiaires ayant refusé de signer l’acte authentique de vente en invoquant une inondation survenue au sous-sol de l’immeuble, les promettants les ont assignés en paiement de l’indemnité d’immobilisation pour non-réalisation de la vente et ont recherché la responsabilité de l’office notarial (le bien n’était pas, par postulat, situé en zone inondable – aléa moyen ou fort – et l’état des risques ne comportait, en conséquence, pas d’information à ce sujet).

La cour d’appel (Paris, 5 novembre 2021) les déboute et prononce la résolution de la promesse de vente pour manquement à l’obligation de délivrance conforme, au motif qu’il était établi que le sous-sol de l’immeuble ayant été aménagé en une cuisine et un bureau, ces pièces, destinées à l’habitation, devaient être à l’abri d’infiltrations d’eau et de l’humidité, et que l’inondation qui est apparue établit que le bien ne présentait pas les qualités permettant de rendre ces pièces habitables dans des conditions normales.

Les promettants se pourvoient en cassation pour violation de l’article 1604 du Code civil et soutiennent que le défaut de conformité ne couvre que le manquement aux spécifications du contrat. Selon eux, dès lors qu’est en cause une non-conformité à l’usage normal de la chose, l’inexécution du fait du vendeur ressort de la garantie des vices cachés et non de la délivrance conforme.

La Cour de cassation(1) casse et annule l’arrêt d’appel et rend un arrêt de principe au visa de l’article 1641 du Code civil. Elle rappelle qu’il résulte de cet article que la garantie des vices cachés constitue l’unique fondement de l’action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale. En relevant un défaut de conformité pour prononcer la résolution de la promesse de vente, alors qu’elle avait constaté que les infiltrations d’eau faisaient obstacle à une utilisation normale des pièces concernées, constitutives de vices cachés, la cour d’appel a donc violé l’article précité.

Ainsi, la Haute cour annule le prononcé de la résolution de ladite promesse, mais approuve, cependant, le rejet de la demande des promettants en paiement de dommages-intérêts au titre de la remise en état des lieux. Par ailleurs, elle met hors de cause la société civile professionnelle notariale, dont la présence n’est pas jugée nécessaire devant la cour d’appel de renvoi (soit la cour d’appel de Paris, autrement composée).

Relevons que la clause « Sinistre » généralement stipulée dans les promesses de vente pourrait, quant à elle, trouver à s’appliquer en cas de destruction physique totale ou partielle de l’immeuble (ou situation apparentée), le rendant matériellement inhabitable.

A SAVOIR 

Etant donné la difficulté pour les praticiens et les professionnels du droit à déterminer le champ d’application respectif d’une part, de l’action pour absence de délivrance conforme – ou défaut de conformité de la chose vendue – (C. civ. art. 1604 et s.) et d’autre part, de l’action en garantie des vices cachés (C. civ. art. 1641 et s.), dans un esprit de simplification, à l’effet d’offrir une meilleure protection aux contractants et d’éviter cet aléa judiciaire, l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux a prévu d’unifier le régime juridique de ces deux garanties (identité de champ d’application et de délai de prescription, en particulier). A suivre…

 

(1) Cass. civ. 3è, 19 octobre 2023, n° 22-10.090

Rejoignez la discussion

Compare listings

Comparer